Collection Corolle
Nous sommes en février, à la fin des grands défilés parisiens. La majorité des acheteurs américains sont repartis dans leur pays après un spectacle plutôt terne pour cette saison. Toutefois, quelques défilés restent à voir, dont l’un particulièrement prometteur.
Couvrant l’évènement pour le Culture Pinup Magazine, je me rends donc, en ce matin frisquet (il fait actuellement -13 degrés dehors), au salon du 30 avenue Montaigne où se déroulera, l’un des derniers défilés de la saison, soit celui de Monsieur Christian Dior.
Âgé de 42 ans, ce dernier présente aujourd’hui sa toute première collection; la collection ‘’Corolle’’. Ce défilé promet un vent de fraîcheur et de renouveau après la mode ‘’pratique’’ d’avant-guerre. Il désire présenter ses « femmes-fleurs; aux épaules douces, aux bustes épanouis, à la taille fine et aux jupes larges comme des corolles »1.
10h
Je prends place dans la salle ornementée pour l’occasion par les compositions florales du fleuriste Lachaume. L’odeur des roses et des lys embaume l’endroit plutôt restreint dans lequel le défilé prendra place tout à l’heure. Les invités se serrent dans le salon et même les escaliers de la maison.

10h15
Le lieu est à son comble, ce qui laisse pressentir l’enthousiasme du public et de la presse envers ce nouveau venu dans la mode. Les invités présents sont chics et distingués. Devant moi, un groupe de 3 femmes élégamment vêtues discute, cigarette à la main. Plusieurs grands noms sont présents; Lucien Vogel du Jardin des Modes, Alice Chavanne et Geneviève Perreau du Figaro et un peu plus loin, j’aperçois un visage bien connu, celui de la rédactrice en chef du Harper’s Bazaar, Carmel Snow. Celle-ci crois déjà beaucoup au talent du couturier, qu’elle a remarqué en 1937 avec le modèle Café anglais. Elle reste toutefois encore sceptique quant à la collection Corolle, puisque je l’entends chuchoter à son équipe « j’espère que ça vaut le déplacement » !

10h30
Le défilé commence, l’aboyeuse annonce le numéro un. Ce premier modèle, porté par la mannequin Marie-Thérèse, annonce le ton du spectacle qui sera composé de 90 tenues. La collection se base sur 2 lignes directrices, soit la forme en 8 et la forme corolle. Matière noble, travail de plissé incroyable, poitrine ronde et haute, épaules douces et étroites, taille marquée et hanches accentuées. Mais surtout, du tissu, du tissu et encore du métrage de tissu ! Le travail du couturier est tout simplement sublime. Le look tranche définitivement avec les préceptes hérités de l’après-guerre : le style est construit en réaction à la mode des années 40, marquées par le rationnement et l’austérité et à la silhouette presque masculine, où les jupes sont étroites et les épaules carrées2. Les tenues signées Dior, défilent les unes après les autres et la foule est médusée.
Parmi les pièces notables à faire leur apparition, la robe fourreau Jungle et son motif panthère, la robe de soirée à 2 étages de taffetas plissés bleu marine et la robe d’après-midi Corolle en laine noire, boutonné à la poitrine avec sa jupe à plis.


Mais la pièce la plus notable, et certainement celle qui signera la collection, est le tailleur Bar. Nommé ainsi puisque la tenue est proposée pour être portée pour l’heure du cocktail. La forme de ce tailleur présentée par Tania, le mannequin fétiche de Dior, est exceptionnelle et redéfinit les préceptes de la mode actuelle ! Le veston en soie shantung crème à basques arrondies, avec sa grande jupe plissée noire évasée, confère à la démarche du modèle une élégance jamais vue ! Willy Maywald, photographe présent dans la salle, immortalise le passage de ce deux pièces exceptionnelles.

12h15
Le défilé est terminé. Les critiques qu’on entend aux alentours sont élogieuses et sans équivoque. Celle qui était sceptique un peu plus tôt, Carmel Snow, annonce à Dior : « Mon cher Christian, vos robes ont un tel new look ! ». (Ce qui restera l’appellation de ce courant de la mode : Le New Look).
12h30
Tous quittent la salle peu à peu. Le temps, qui s’était arrêté un instant pendant lequel tous ont pu apprécier l’œuvre de Dior, reprend son cours. L’effervescence et l’emballement des invités est palpable. Tous ont le sentiment que nous venons d’assister à quelque chose d’important. Je dois donc retourner à ma plume pour écrire ce billet et l’envoyer à l’imprimeur rapidement afin de vous partager cet émoi ! Au moment d’écrire ces lignes, nul ne sait quel sera l’avenir de M. Dior pour les prochaines saisons. Saura-t-il maintenir la qualité et l’originalité de cette collection et ainsi se surpasser l’an prochain ? Une chose est cependant certaine, les normes actuelles de la mode telles que nous les connaissions (les lignes droites et discrètes et le rationnement de tissu) sont maintenant révolues à tout jamais. La femme peut reprendre le contrôle de sa féminité et arborer une silhouette qui accentue et valorise ses courbes. Féminin, glamour et opulent voilà ce qui qualifie le style de Dior. Son souhait de créer des femmes-fleurs est définitivement accompli. Longue vie à Dior !!
Votre dévouée,
Miss Coco Champagne xox

3- Comment Christian Dior a révolutionné la mode voici 70 ans (in english please !)
Publié par